A plus d’un titre l’orgue de l’église de Fay aux Loges est déjà un orgue historique. En effet, il est le premier témoin, dans notre région, de ce tournant des années 1960 où, re-découvrant la musique ancienne et les traités permettant de la jouer de la façon la plus respectueuse possible, quelques facteurs d’orgues, dont Robert Boisseau principalement, revinrent à l’orgue mécanique, aux matériaux nobles, aux belles harmonies.
Or, dans un département :
-qui entendit pour la première fois un orgue dans notre royaume, au Xème siècle, à l’abbaye de Fleury, à St Benoît sur Loire
- qui au XIIIème siècle à Sainte Croix d’Orléans vit un des tous premiers orgues de cathédrale de France
- où notre capitale de région connut une dizaine d’organiers de la Renaissance au début du XXème siècle,dont certains furent célèbres, comme Jean-Baptiste Isnard
- où l’orgue de Lorris -en -Gâtinais (1501) se trouve être le plus vieil ensemble buffet-tuyauterie de notre pays
Il apparaît que l’orgue de Fay aux Loges occupe une place non négligeable.
Cet instrument, dit de facture néo-classique (essayant d’allier les répertoires classiques français et allemands, romantique et contemporain) est tout simplement le premier orgue complet de ce style dans le Loiret. Il y a bien l’orgue Gonzalez de Briare construit en 1949 avec ses 14 jeux réels mais celui-ci, inachevé à l’époque, ne fût terminé qu’en 2001 par Bernard Dargassies.
D’autre part, l’instrument de Fay est le seul Roetingher du département puisque celui de Gien, érigé par le même facteur en 1956-1957, a été démonté trente ans plus tard pour laisser la place à un autre orgue.
Quelle idée lumineuse eut Jean Bidal, initiateur de l’installation du Roethinger harmonisé par Robert Boisseau, d’avoir fait appel à ce dernier, excellent harmoniste et spécialiste de l’orgue français dont, depuis, il nous a été donné d’admirer dans la région, les chantiers de Pithiviers(Isnard-Cavaillé-Coll-Boisseau, esthétique néo-classique), de Châteauneuf-sur-Loire, etc.
Et que dire de ce choix consistant à demander à un jeune organiste de 32 ans quasiment inconnu, d’inaugurer le 3 juin 1962 cet instrument de Fay aux Loges et qui, quelques années après était reconnu dans le monde entier comme un immense chef de file de l’école d’orgue française : Michel CHAPUIS ! Cette inauguration, d’ailleurs valait bien la présence d’un ancien Président de la République : René COTY. C’est dire l’événement ! Ce même Chapuis qui revint trois ans plus tard, très exactement, pour inaugurer la reconstruction par Boisseau (père et fils) de l’orgue de Chécy.
Cette année 1962, grâce à l’orgue tout neuf de Fay aux Loges (Pithiviers, également en 1962, n’était qu’une restauration, soulignons-le), est donc une année déterminante car elle marque une transition ou, mieux encore, elle témoigne d’un renouveau national de l’orgue français.
L’esthétique de notre instrument de 17 jeux avec ses 1200 tuyaux, le choix du facteur, de l’harmoniste, ainsi que de celui qui l’inaugura, ne peuvent qu’inciter à rappeler que toutes ces idées audacieuses sont l’œuvre d’un seul homme, absolument remarquable, un vrai ‘prophète’, on peut le dire : Jean Bidal.
Dans le contexte de ce qu’était l’Orgue, avant et après la guerre (pas fameux, à tous les points de vue !), on peut aisément avancer qu’à Fay aux Loges, Monsieur Bidal avait complètement et justement pressenti ce que serait le futur de l’ Orgue.
L’avenir lui a entièrement donné raison ! C’est grâce à ces arguments qu’il faut qu’à tout jamais cet instrument dont on peut dire qu’il est artistiquement et esthétiquement historique, soit impérativement préservé dans son état d’origine au même titre qu’un orgue officiellement classé au Patrimoine car, il s’inscrit déjà et sans conteste dans l’Histoire de l’ Orgue Français de par ses qualités ré – novatrices et musicales. Un grand concert avec le requiem de Fauré a été donné en 2012 pour fêter les 50 ans de l'orgue de Fay.
François-Henri HOUBART
LA. DO .FA.(Association des Amis de l’Orgue de Fay aux Loges)
11, rue de la moinerie 45450 Fay aux Loges tel 02 38 59 56 26
Rappelons que F.H.Houbart, président de LA.DO.FA. qui a écrit cet article, est avant tout un organiste professionnel de très haut niveau. Professeur d'Orgue au Conservatoire de Rueil, co-titulaire des orgues de l'église de la Madeleine à Paris, membre des amis de l'orgue de St Marceau, à Orléans, et bien d'autres fonctions importantes.....Soulignons aussi que ses prestations sont très appréciées tant en France qu’à l’étranger et qu'il entretien de nombreuses relations dans le monde musical qui est le sien.